Un soir au théâtre…
Kessel, la liberté à tout prix.
Un fulgurant moment de théâtre qui nous embarque vers un ailleurs, dans le sillage de Joseph Kessel magistralement incarné par Franck Desmedt.
Au commencement, dit-on, était le verbe…
Sur la scène du théâtre Rive gauche il y est révélé dans toute sa puissance.
Un comédien, un personnage, un texte.
Dans un triangle parfait, le verbe, incarné, vécu, inscrit.
Merci de nous faire découvrir, ou retrouver Kessel…
Ce colosse qui avalait l’Histoire comme l’alcool, avec passion, sans cesse et à longs traits, cet épicurien tourmenté, ce grand reporter qui jouait sa vie autour du globe, pour combattre et témoigner partout où la guerre et l’oppression faisaient rage, partout où la liberté des hommes était muselée, piétinée ou anéantie.
Cet écrivain majeur du XXème siècle.
Dans ses engagements et dans ses écrits, Kessel, au delà du vécu, c’était le verbe, moteur de la pensée, moteur de la phrase, moteur de l’action.
Sur scène, ce vieux lion qui n’en finit pas de rugir et de nous séduire c’est Franck Desmedt.
Le verbe incarné… Il ne ressemble pas à Kessel, il est Kessel.
Comme un grand fauve peut se confondre avec son frère.
Ils ont tout deux cette acuité de l’œil auquel rien n’échappe, cette musculature souple… Même appétit, même puissance, même charisme. Desmedt a fait siens les multiples regards de Kessel dans lesquels tout se révèle, intelligence, lucidité, amour, ivresse, désespoir, humour… et charme !
Mais le comédien caméléon incarne aussi tous les autres personnages de la pièce. Avec un rien, une subtile modification physique ou vocale, avec une rythmique stupéfiante, il les fait apparaître et converse avec eux…On y croit, on rit, on les attend.
Franck Desmedt est un comédien étonnant, qui, dans chaque spectacle, en solo ou en troupe, capte notre attention et marque de son empreinte les rôles qu’il interprète.
Ce qu’il nous offre avec Kessel est une performance éblouissante.
Enfin l’auteur n’est pas Kessel, c’est Mathieu Rannou. Avec son écriture charnelle, fluide et rythmée, il a fait de la vie de Kessel un palimpseste remarquable. Profond et plein d’humour.
Il signe aussi une mise en scène épurée et percutante.
Merveilleusement éclairée par Laurent Béal, une cascade de soie blanche omniprésente et mobile, linceul ou grand voile d’un vaisseau en partance, nous invite, peut-être, au final, à suivre son point de fuite vers « les nuages …les nuages qui passent… là-bas…les merveilleux nuages… »
Ne manquez pas cette odyssée humaine et théâtrale hors du commun.
Une chronique d’Aniba
Théâtre Rive Gauche
6, rue de la Gaîté 75014 Paris
Jusqu’au 29 septembre 2024
