Un soir au théâtre…
Mémoires d’Hadrien.
Une silhouette assise, à peine visible, comme si la nuit l’engloutissait déjà…
Une voix grave qui murmure…
On se doute que cet homme, fatigué mais conscient, est l’empereur Hadrien et que ses heures sont comptées.
Dans le commencement était déjà inscrite la fin…
Puis la lumière monte lentement comme une aube nouvelle, la voix se timbre, s’affermit et rajeunit.
Hadrien relate sa vie, ses émotions, ses ambitions et ses choix.
À qui s’adresse-t-il ? Qui est-il ?
Renaud Meyer, adaptateur et metteur en scène du chef-d’œuvre de Marguerite Yourcenar, a choisi d’occulter Marc-Aurèle et de faire de nous, spectateurs, les destinataires des mémoires épistolaires d’Hadrien.
Et, théâtralement parlant, son choix est bon. Nous sommes Marc-Aurèle, les liens qui l’unissaient à l’empereur Hadrien deviennent les nôtres. La distance historique s’efface, nous écoutons l’homme.
Lumineux, Jean-Paul Bordes donne chair à un Hadrien impérial et lucide et nous laisse subtilement l’imaginer en double masculin de Marguerite Yourcenar. Avec infiniment de grâce, de finesse et d’intelligence il nous livre les codes d’un triangle vital: la volonté, l’amour et l’art.
La mise en scène sensible et sensuelle, forte des superbes lumières qui la rythment, laisse s’épanouir l’acteur dans une scénographie élégante en construisant un écrin à sa mesure.
Mais qui nous parle vraiment ?
C’est la magicienne… Marguerite Yourcenar.
Elle se voulait « archéologue de l’histoire à travers l’humain ». Elle nous transmet très simplement le résultat de ses fouilles. Ses mots passent sans heurt de l’écrit à la parole et l’écho de sa pensée nous parvient si clairement et se répercute en nous si profondément, que l’on touche l’universel.
Le temps d’un spectacle, Hadrien devient son avatar. Il répond à ses propres questionnements (et aux nôtres) sur l’ambition, le pouvoir, le bonheur, les intrications de l’âme et du corps, le désir fou de laisser sinon une trace du moins un souvenir dans d’autres mémoires.
Puis l’auteure nous ramène, sans violence, presque tendrement, à l’évidence : le cycle immuable de la vie et de la mort, et curieusement, cette évidence nous apaise et nous comble.
Chacun de nous a trouvé son chemin dans la beauté du texte.
Le noir du commencement, envahit cette fin crépusculaire, Hadrien disparaît « en gardant les yeux ouverts »
Et en totale communion avec lui, chacun de nous se sent un peu plus « responsable de la beauté du monde »
Une chronique d’Aniba
Le Théâtre de Poche Montparnasse – Le Petit Poche Théâtre
75 Boulevard du Montparnasse
75006 Paris
Séances selon les jours
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