Avec la pièce « Secret.s », Sébastien Blanc frappe fort ! 

par Rob Sitbon

Un homme sur scène se trouve devant sa porte et on frappe !  Il hésite et essaye de déchiffrer le style de frappe pour en détecter la raison… « C’est pas parce qu’on frappe à votre porte que vous devez forcément l’ouvrir. Au contraire. Il faut bien réfléchir avant d’ouvrir une porte sur laquelle on frappe. Bien écouter. Parce que je vous assure que la suite de votre vie en dépend… ». Il s’ensuit une comédie déjantée… L’histoire de Fabien (Laurent Gamelon) qui veut éviter à tout prix d’apprendre les secrets de son beau-frère, et pire encore, les secrets du frère de son beau-frère (les deux interprétés par Patrick Chesnais).

Un enchaînement effroyable et hilarant qui nous fait douter et nous poser la question … Après tout, pourquoi ne pas transformer une situation désastreuse en une situation encore plus désastreuse ?!!

Sébastien Blanc est l’auteur de cette comédie qui vient de se jouer au théâtre de la Madeleine. Auparavant il a participé à l’écriture de la série « Parents mode d’emploi » et coécrit avec Nicolas Poiret 4 pièces : « Même pas vrai » (Théâtre Saint Georges), « Deux mensonges et une vérité » (Théâtre Rive Gauche, nommée aux Molières 2018), « Le muguet de noël » (Théâtre Montparnasse) et « Un monde idéal » (Théâtre Tête d’or à Lyon).

Et maintenant…l’interview !

Secret.s… ça parle de quoi ?

Sébastien Blanc : Secret.s ça parle du secret qu’on veut dévoiler pour s’alléger et qu’on ne veut pas entendre pour ne pas s’alourdir… Voilà. C’est une pièce sur l’égoïsme, sur la lâcheté et sur les petits travers de l’être humain, qui sont amusants, parce qu’on est tous capables de faire ce que font les personnages. Alors, peut-être pas d’aller aussi loin qu’eux, mais en tout cas, le point de départ, on en est tous capables…

Pouvez-vous nous parler de l’inspiration derrière votre pièce de théâtre ? D’où est venu cette idée ?

SB : L’idée vient de la somme plusieurs choses… C’est plein de rencontres, plein de moments de vie, plein de choses qui m’ont amusées. Je crois que la pièce parle pas mal aux gens parce qu’on s’est tous retrouvés dans cette situation, de quelqu’un qui veut nous confier quelque chose qu’on n’a pas forcément envie d’entendre. Que ce soit une histoire de couple, des petites trahisons, un ragot sur quelqu’un, on a tous vécu ça.

Quel est votre processus d’écriture ? Avez-vous une routine particulière ?

SB : Je commence par me faire un café et procrastiner pendant 3-4 semaines et un jour, parce que je n’ai vraiment rien d’autre à faire, j’ouvre ma page Word et je me lance. Non, je n’ai pas de routine particulière. Là, c’est parti de l’idée de ce monologue de début, j’ai construit deux trois trucs, un peu comme ça. En général, il y a les cinq premières pages qui viennent très facilement, instinctivement, et puis la sixième est plus compliquée parce qu’il faut brancher son cerveau… Mais il n’y a pas de routine particulière…

Comment choisissez-vous les sujets et les thèmes que vous explorez dans vos pièces ?

SB : Je ne sais pas si je choisis vraiment, mais ça part des personnages. Ce que j’aime beaucoup, ce sont des personnages qui font face à des problèmes simples et qui choisissent des solutions qui ne sont pas simples du tout, voire pas du tout adaptées. Dans la vie de tous les jours, on voit plein de gens qui prennent des décisions, qui ne sont pas tout à fait celles qu’il aurait fallu prendre. Quelqu’un qui marche dans la rue en face de nous et qui, au lieu de nous contourner, décide de continuer tout droit, par exemple, ce n’est pas une bonne décision… Quelqu’un qui traverse la rue en regardant son portable, ce n’est pas une bonne décision… Là, le premier jumeau, arrive avec quelque chose d’assez simple à régler. Il suffit qu’il dise à son frère ce qu’il a fait. Mais il va choisir une voie qui n’est pas celle-là. Il va choisir de lui cacher et surtout de lui raconter une autre vérité, qui est encore plus absurde, plus dangereuse et plus lourde.

Et quand vous écrivez avec Nicolas Poiret c’est la même chose ?

SB : Quand on écrit avec Nicolas, c’est un échange entre nous. Je crois que l’un comme l’autre, on a une thématique qui vient assez souvent, que ce soit ensemble ou séparément, c’est qu’on aime quand même vraiment les choses qui tournent autour du mensonge, de la lâcheté, de l’incapacité à communiquer normalement.

Quels défis avez-vous rencontrés lors de l’écriture de cette pièce en particulier ?

SB : Le mini défi technique, c’était de faire en sorte de gérer les allées et venues et d’anticiper le temps de changement du comédien qui allait jouer les deux rôles des jumeaux. Et aussi de faire en sorte que les entrées et sorties ne soient pas trop identiques, pour essayer de surprendre un minimum… Après, le défi dans une pièce, comédie ou pas comédie, il est permanent. C’est de faire tenir le sujet sur 1 heure 30. C’est de trouver des rebondissements… Le défi, c’est de réussir à amener la pièce sur scène et de faire en sorte qu’elle se monte. C’est de trouver le metteur en scène. Là, c’est Jean-Luc Moreau et Anne Poirier-Busson. Je ne suis pas allé les chercher très loin parce qu’on a déjà travaillé ensemble. C’est la famille, ils sont précieux, ils aident bien à relever les défis. Et après le défi, c’est de trouver la distribution, le théâtre, le public. En fait, c’est là que le défi commence. Le moment d’écriture, finalement, c’est le moment le plus cool.

Quelle est votre relation avec le metteur en scène et les acteurs lors de la production de votre pièce ?

SB : Je les terrorise ! C’est important de leur faire peur dès le début. (Rires) Non, non, je plaisante… Ce que j’adore, et qui a été particulièrement vrai sur cette pièce, c’est l’idée de travailler en troupe. De faire partie de la troupe. Et là c’était vraiment le cas.  Comme il y avait un temps de répétition assez resserré, pour que le texte ne soit jamais un problème, j’ai été présent quasiment à toutes les répétitions, pour pouvoir répondre en temps réel à des questions ou affiner les répliques. Et ça, c’est un moment que j’aime. Parce qu’écrire c’est quand même une activité relativement solitaire et on ne fait pas du théâtre pour être seul.

A quel moment le travail sur une pièce s’arrête ?

SB : Jamais ? En tout cas, pas une fois qu’on a mis le mot fin, imprimé les 80 pages et refilé le bébé à un metteur en scène. C’est au contraire là que le travail commence. On se lit le texte entre nous, si ça nous fait rire, c’est déjà pas mal. Si ça nous émeut, c’est déjà pas mal. Si ça nous endort, c’est une information importante aussi… Ce qui a été super sur Secret.s, c’est que ça a vraiment été un travail d’équipe, avec Laurent Gamelon, Patrick Chesnais, Anne et Jean-Luc, on a vraiment travaillé main dans la main. Après, je me force à m’effacer, je force mon orgueil à se taire, j’essaie de faire en sorte de laisser la main à la mise en scène et aux comédiens. Et après, je les frappe !

Est-ce que les réactions du public vous amènent à changer le texte ?

SB : Les réactions du public, elles sont imprévisibles. Il faut les entendre et s’en méfier aussi. Il y a des soirs où certaines choses fonctionnent et pas d’autres. D’autres soirs, c’est l’inverse. Mais c’est vrai que les premières représentations nous apprennent pas mal de choses sur la pièce. Les comédiens le vivent de l’intérieur et moi, Jean-Luc, Anne, on est dans la salle, pour écouter. Et si besoin, on retravaille, que ce soit sur le texte, la mise en scène, les indications de jeu, etc. En fait, le travail ne s’arrête presque jamais.

Quelles sont vos influences littéraires ou théâtrales ?

SB : Elles sont multiples. La base de tout c’est le cirque Annie Fratellini et Pierre Etaix où mes parents m’emmenaient très souvent. J’ai des souvenirs très forts des numéros de ces deux clown musiciens, à la fois drôles et poétiques. D’ailleurs, quand je reviens au cirque aujourd’hui et que l’orchestre se met à jouer, j’ai vraiment des montées de larmes incontrôlables… C’est un peu ridicule et en même temps j’adore ça. Sinon, en comédie, j’ai été évidemment bercé par « Au théâtre ce soir », mais aussi les auteurs que j’ai abordé au moment de ma formation de comédien, Shakespeare, Feydeau, Ribes, Albee… Pinter aussi. J’aime beaucoup les auteurs anglosaxons, Alan Bennett par exemple avec ses « Talking heads »…  J’aimais aussi beaucoup l’écriture d’une autrice, qui s’appelait Loleh Bellon, qui a été très importante des années 70, 80, 90… C’est une écriture assez raffinée, drôle et piquante. Mais je crois qu’à chaque fois que je vois un spectacle, j’en retiens quelque chose, que ce soit le texte, la mise en scène, des comédiens, des images…  Par exemple, le Tanztheater de Pina Bausch, et les nombreuses troupes qui en découlent, je trouve ça très-très enthousiasmant. Je trouve ça fascinant de raconter une histoire sans texte. En même temps on en revient au clown, qui avec peu ou pas de mots dit tout.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes auteurs qui aspirent à écrire pour le théâtre ?

SB : Barrez-vous ! (rire) Non, non, je leur dirais de faire, de faire, de tout le temps refaire, de ne pas s’arrêter. C’est un métier de résilience, c’est une course de fond. Alors ça peut très bien marcher tout de suite… Un claquement de doigts. Parfois c’est plus long. Ne pas se poser de questions, si c’est bien, si c’est pas bien… Ne pas se poser la question, si c’est à la mode, pas à la mode. De suivre ses envies, d’écrire les premières pages, d’accepter que parfois, justement, au bout de la cinquième page, eh bien il y a plus d’idées qui viennent pendant un jour, un mois, un an… De garder ces écrits qui n’aboutissent pas, parce que c’est peut-être juste une question de temps. Et voilà, le conseil c’est faites-le, écrivez !

Comment voyez-vous le rôle du théâtre dans la société moderne ?

SB : J’ai l’impression qu’il a le rôle qu’il a toujours eu. Son premier rôle, c’est le divertissement, il ne faut pas l’oublier. Divertir, ça ne veut pas dire forcément faire rire. Je me divertis très bien en ayant peur, en pleurant ou en étant horrifié, révolté… Bon, en m’ennuyant, un peu moins… Ce qui compte c’est l’émotion, c’est tout un tas d’émotions.

Moi, j’aime quand on embarque dans un voyage à travers des personnages. Le théâtre c’est une bulle, un refuge, une fenêtre, un reflet. Voilà, ce serait ça le théâtre : le plaisir d’ouvrir la fenêtre pour s’aérer et de se regarder dans un miroir légèrement déformant.

Travaillez-vous sur des nouveaux projets ?

SB : Oui, d’écriture et de jeu, parce que c’est du jeu que je viens et l’envie d’y retourner me chatouille beaucoup… Mais pour ce qui est de l’écriture il y a effectivement des choses qui couvent, notamment en commun avec Nicolas Poiret, mais pour l’instant ce sont des… Secrets…

Crédit photo : Laurent Giordanengo

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